
Changement climatique : état des lieux, août 2021
Suite à la sortie du rapport AR6 du Groupe 1 du GIEC, le 9 août 2021, voici un petit résumé de ce que l’on sait du changement climatique à date.
Tous les graphiques présents dans l’article sont tirés du résumé pour les décideurs du rapport AR6 du groupe 1 du GIEC.
Et pour savoir qui est le GIEC et comment sont élaborés les rapports, je recommande la vidéo du Réveilleur sur le sujet.
Origine humaine du changement climatique « sans équivoque »
Le constat est ici sans appel :
« Il est sans équivoque que l’influence humaine a réchauffé l’atmosphère, l’océan et la terre. Des changements répandus et rapides dans l’atmosphère, l’océan, la cryosphère et la biosphère se sont produits » Section A.1 du rapport.
En effet, selon le GIEC, « L’influence humaine a réchauffé le climat à un rythme sans précédent au moins au cours des 2000 dernières années ».

Selon le rapport, la dernière période aussi chaude remonte à 125 000 ans, lors de la dernière ère interglaciaire.
Nos émissions de Gaz à effet de serre (GES) responsables
« Le réchauffement observé est dû aux émissions provenant des activités humaines, réchauffement en partie masqué par le refroidissement des aérosols ». Ces aérosols proviennent pour la plupart également des activités humaines.

Les conclusions sont également ici sans appel :
a) et b) : les facteurs agrégés de refroidissement et de réchauffement d’influence humaine ont une contribution très similaire au réchauffement observé.
b) : Les facteurs naturels (activités solaire et volcanique) exercent une influence négligeable (quasi-nulle) sur le climat, au regard de l’influence humaine.
Les changements déjà observés
« Le changement climatique induit par l’homme affecte déjà de nombreux phénomènes météorologiques et climatiques extrêmes dans toutes les régions du monde. La preuve des changements observés dans les évènements extrêmes tels que les vagues de chaleur, les fortes précipitations, les sécheresses et les cyclones tropicaux, et, en particulier, leur attribution à l’influence humaine, s’est renforcée depuis l’AR5 [précédent rapport du GIEC datant de 2014]. »
Le changement climatique n’épargne aucune région du globe, et contribue à la modification de la météo locale et l’apparition d’évènements climatiques extrêmes.

On observe globalement une augmentation des vagues de chaleur un peu partout dans le monde, une augmentation des précipitations intenses notamment dans l’hémisphère nord (manque de données pour l’hémisphère sud), et une augmentation des sécheresses notamment en Europe de l’Ouest, le pourtour méditerranéen, ainsi qu’en Afrique.
Quels climats futurs possibles ?
Plusieurs scénarii d’émissions de GES impactant la réponse climatique sont envisagés, variant en fonction d’hypothèses socio-économiques, des niveaux d’atténuation du changement climatique et, pour les aérosols et les précurseurs de l’ozone non méthaniques, du contrôle de la pollution de l’air. Pour faire simple, on a les scénarii suivants :
- SSP5-8.5 : il suffit de ne rien changer pour le réaliser
- SSP3-7.0 : On change quand même un petit peu (il ne faut pas déconner non plus)
- SSP2-4.5 : On change de manière importante nos sociétés
- SSP1-2.6 : On change radicalement nos sociétés dans les 10 ans à venir
- SSP1-1.9 : On change radicalement nos sociétés, et ce immédiatement
Quelles sont les projections en termes de réchauffement sur la moyenne de la période 2081-2100 par rapport à la moyenne de la période 1850-1900 ?
- SSP5-8.5 : entre +3.3 et +5.7°C, soit plus de +10°C en 2300
- SSP3-7.0 : entre +2.8 et +4.6°C
- SSP2-4.5 : entre +2.1 et +3.5°C
- SSP1-2.6 : entre +1.3 et +2.4°C
- SSP1-1.9 : entre +1.0 et +1.8°C
En comparaison, « la dernière fois que la température de surface mondiale s’est maintenue ou se trouvait au-dessus de +2,5 °C par rapport à la moyenne de la période 1850-1900, c’était il y a plus de 3 millions d’années ». L’humanité n’était pas née.
Qu’est-ce que cela signifie ?
- Seuls les scénarii SSP1-1.9 et SSP1-2.6 permettraient de rester en-dessous des +2.0°C de réchauffement d’ici la fin du siècle.
- Les +1.5°C de réchauffement seront « très probablement atteints entre 2021 et 2040 ». Quelque soit le scénario.
- Selon les scénarii SSP1-1.9 et SSP1-2.6, la température monterait au-dessus de 1.5°C avant de redescendre légèrement dans la seconde moitié du siècle pour se stabiliser.
Pour savoir pourquoi les seuils d’1.5°C et 2.0°C sont si importants, pourquoi les +2.0°C ne doivent pas être atteints, et pourquoi chaque dixième de degré compte, je recommande de lire :
- L’article de Bon Pote « Limiter le réchauffement climatique à seulement +2°C au lieu d’1.5°C est irresponsable »

Plus les températures augmentent, plus les climats régionaux et le cycle de l’eau sont perturbés
Un réchauffement marqué sur les pôles et les continents
Le climat se réchauffe de manière plus importante sur les continents, et de manière beaucoup plus marquée au niveau des pôles.

Un changement drastique du cycle de l’eau
La dérégulation du cycle de l’eau va accentuer les contrastes entre zones humides et sèches.
Le pourtour méditerranéen, l’Amérique centrale et du sud, l’Amazonie, le sud de l’Afrique, l’est de l’Asie et le sud-est de l’Australie auront tendance à s’assécher. L’impact sur le pourtour méditerranéen et l’Amazonie est particulièrement marqué, et ce dès un réchauffement de +1.5°C.
Cela aura comme conséquence l’avancée de la désertification, particulièrement du sud de l’Europe (sud de la France compris) ainsi que la transformation d’une partie conséquente de la forêt Amazonienne en savane.
L’Afrique centrale, la Russie, le Canada et les pôles verront de leur côté une augmentation relativement forte des précipitations annuelles, pouvant engendrer des inondations importantes et glissements de terrains.

Plus la température augmente, plus les évènements météorologiques extrêmes sont intenses et fréquents
Le réchauffement, couplé au changement de régime des précipitations, va amplifier l’intensité et augmenter la fréquence des évènements extrêmes.
Une vague de chaleur décennale sans changement climatique lié aux activités humaines :
- Revient avec le réchauffement actuel 2.8 fois sur 10 ans
- A +1.5°C, elle reviendrait 4.1 fois sur 10 ans
- A +4°C, elle reviendrait 9.4 fois sur 10 ans
Une vague de chaleur revenant tous les 50 ans sans changement climatique lié aux activités humaines :
- Revient avec le réchauffement actuel 4.1 fois sur 50 ans
- A +1.5°C, elle reviendrait 8.6 fois sur 50 ans
- A +4°C, elle reviendrait 39.2 fois sur 50 ans
Impacts en France : Cela signifie concrètement que l’on pourrait atteindre des températures de l’ordre de 50 à 55°C d’ici 2050, et ce même avec un réchauffement global de +1.5°C.
Remarques :
- C’est ce qui est arrivé au Canada en juin 2021, avec des températures allant jusqu’à 49.6°C : une telle canicule devrait normalement se produire tous les 1000 ans avec le changement climatique actuel, et sans le changement climatique, cet évènement serait hautement improbable avec une occurrence d’une fois tous les 100 000 ans. A +2.0°C, cet évènement pourrait se produire tous les 2 ans.
- C’est également ce qui s’est produit en Sibérie, avec 38°C au niveau du cercle polaire arctique : sans changement climatique, cette vague de chaleur n’aurait pas été possible.
Un épisode de précipitations intenses dont l’occurrence arrive une fois tous les 10 ans sans changement climatique lié aux activités humaines :
- Revient avec le réchauffement actuel 1.3 fois sur 10 ans
- A +1.5°C, elle reviendrait 1.5 fois sur 10 ans
- A +4°C, elle reviendrait 2.7 fois sur 10 ans
Une sécheresse, dans les régions qui s’assèchent, dont l’occurrence arrive une fois tous les 10 ans sans changement climatique lié aux activités humaines :
- Revient avec le réchauffement actuel 1.7 fois sur 10 ans
- A +1.5°C, elle reviendrait 2.0 fois sur 10 ans
- A +4°C, elle reviendrait 4.1 fois sur 10 ans
Impacts en France : la France pourrait déjà avoir un déficit d’eau de 40% dès 2040 selon le World Resources Institut.
Remarque :
- C’est pour ces mêmes raisons que l’Amérique de l’ouest fait face à une sécheresse millénaire, aux conséquences inédites.
- Et plus généralement, du fait de la sécheresse et de températures extrêmes, l’année 2021 a vu de graves incendies naître au Canada, aux Etats-Unis, en Grèce, en Turquie, en Sibérie, en Italie, et tout récemment en Algérie.
- La France ne sera probablement pas épargnée par les incendies dans les décennies à venir.

Plus les émissions de CO2 sont importantes, moins les écosystèmes ont la capacité d’absorber le CO2 de l’atmosphère
Plus les émissions augmentent, moins les écosystèmes terrestres et marins seront capables proportionnellement d’absorber le CO2.

Plus les températures augmentent, plus les océans se dérèglent
Les océans subissent et vont subir des changements structurels majeurs :
- Leur température augmente, ce qui a pour conséquences :
- De stocker plus l’énergie, ce qui peut engendrer des phénomènes météorologiques majeurs (cyclones, tempêtes).
- De dérègler des écosystèmes locaux (apparition d’algues, bactéries, disparition de certaines espèces liée à une adaptation trop lente).
- Leur acidité augmente, ce qui a pour conséquences :
- La disparition progressive des coraux, abritant ¼ de la vie marine et source de nourriture pour 500 millions d’humains, et plus généralement des espèces calcaires ; ce sont aussi des remparts contre l’érosion côtière. Or, un réchauffement de +2°C aboutirait à un blanchiment généralisé des coraux.
- La disparition quasi-totale de la glace au pôle Nord au mois de septembre d’ici le milieu du siècle pour les scénarii d’émissions médians et élevées SSP2-4.5, SSP3-7.0 et SSP5-8.5, ce qui a pour conséquences :
- De dérègler des écosystèmes locaux (suppression de zones d’habitat ou de chasse pour certaines espèces comme l’ours polaire).
- L’augmentation de l’albédo (capacité à réfléchir ou absorber les rayons du soleil) de l’océan au niveau du pôle Nord, et donc augmentation plus rapide de la température de l’océan et de l’énergie stockée.
- Les océans s’anoxyfient, c’est-à-dire qu’ils perdent leur teneur en oxygène, ce qui a pour conséquences l’apparition de zones mortes, les organismes marins ne pouvant pas vivre dans de telles conditions.

Plus les températures augmentent, plus le niveau des océans augmente
L’augmentation du niveau des océans dépend de l’augmentation de la température et donc des scénarii d’émissions de GES, ce qui représente :
- Entre +50cm à +1m selon les différents scénarii d’émissions d’ici 2100
- Entre +50cm et +3m d’ici 2300 pour le scénario SSP1-2.6
- Entre +2m et +7m d’ici 2300 pour le scénario SSP5-8.5
- Le GIEC n’exclut pas la montée des eaux de quasiment +2m d’ici 2100 si la fonte des calottes glaciaires s’accélère, et dans ce cas + de 15m à l’horizon 2300

Un seul mot d’ordre : agir
On s’y attendait, la dérive climatique s’accélère.
Néanmoins, ce n’est pas une raison pour ne pas agir, bien au contraire, chaque action, chaque choix, chaque +0.1°C évité est d’une importance cruciale, ce sont des vies épargnées, une moindre érosion de la biodiversité, et moins de risques liés à la dérive climatique.
Et deux bonnes nouvelles tout de même !
La première étant que l’inertie climatique est moindre que ce que l’on pensait il y a quelques années : en réduisant nos émissions, les effets sur le climat peuvent être visibles dès les 10 à 20 prochaines années. C’est une petite fenêtre d’opportunité que nous devons saisir, une raison de plus pour agir, pour notre génération et les générations suivantes.
La seconde étant que nous connaissons les solutions ! Pour cela, voir les articles :
- Climat – agir à titre individuel
- Climat – agir par le biais de l’entreprise
- Climat – agir par la législation
Et enfin, ne pas oublier que le climat n’est pas notre seul enjeu à traiter, il y a aussi l’effondrement de la biodiversité (article sur la biodiversité bientôt en ligne) et plus généralement le dépassement des limites planétaires (article sur les limites planétaires bientôt en ligne). 😉